Constance, premier regard...
Comme tous les matins, sœur Constance faisait quelques pas sur les graviers crissants du couvent.
Septembre ! Les premiers frimas roussissaient les feuilles du tilleul. Au sol sous une ramure agonisante, une nuance infinie de marrons formait un tapis glissant où les feuilles luttaient d’influence entre le vert de quelques heures de vie et la découpe noirâtre d’une mort certaine.
Sous son épaisse robe de coton, battait un cœur de vingt-cinq ans et pour la première fois, la jeune sœur découvrait qu’elle était certes une religieuse, mais aussi une femme et une femme comme beaucoup d'autres, éprouvant un fort désir de maternité.
Mais vaille que vaille, en ce matin frileux, elle avançait en égrainant les billes arrondies de son petit chapelet d’ivoire, sans apparemment, se poser de question et pour éloigner toutes les mauvaises pensées qui auraient pu l’assaillir, elle priait…
Rue Norvins comme ailleurs, la règle était stricte. Lorsque sœur Constance serait amenée à croiser un homme et dans ce couvent, ce ne pouvait être que le jardinier ou le père Paul, il lui serait interdit lever les yeux !
Elle distingua faiblement, au fond de l’allée, quelques mots échangés sur la technique de bouturage des rosiers. C'était certainement le père Paul car il adorait le jardinage. Instinctivement, elle serra plus fort les grains de son chapelet et orienta sa marche vers la chapelle.
Après une génuflexion devant l’autel où brillait la petite flamme du saint sacrement et un « Notre Père » machinal, la tète enfouie dans ses deux mains, elle se tourna vers la sortie et en poussa la vieille porte. Derrière, au même moment, le père s’apprêtait à entrer et tout naturellement, leurs regards se croisèrent. Elle lui sourit et Paul, avec empressement, en fit de même. Elle ressentit alors une forte émotion qui lui serra la poitrine et, sans se retourner, elle se hâta vers sa cellule.
www.drto.fr