Ducellier

 

 

Dr Ducellier.

Le lendemain matin, alors qu’ils se préparaient à partir pour le village, Paul lui demanda.

—Comment sont les sièges à l’arrière de ma Rolls, tu les as trouvés plus confortables que ceux de l’avant ? Je dois t’avouer que je n’y ais jamais posé mes fesses.

—Pareils, avec en prime, une barre en fer au milieu !

Elle essaya de se caler dans un coin pour éviter de se meurtrir le postérieur sur la fameuse barre.

—Attention urgence absolue ! Je te passe le paquet. Elle est changée et a pris son biberon. S’il y avait trop de monde dans la salle d’attente, je te laisserais avec elle et en profiterais pour faire les courses.

Un quart d’heures plus tard, il garait la Citroën sur la place de Maupertuis. Le pavillon du médecin et sa plaque vieillotte étaient toujours là.

Cette maison, qui ressemblait à toutes celles des banlieues avoisinantes détonnait dans ce vieux village. On la sentait enserrée, comme prisonnière entre les vieilles longères en pierre meulière qui sommeillaient sur la Grand-Place.

Ils poussèrent la porte du cabinet avec appréhension. Y aurait-il toujours autant de monde que dans les souvenirs de Paul dans ce confinement des malheurs, dans cette cour des miracles, étriquée et muette ! Et surtout, trouveraient-ils le fameux docteur Ducellier ?

Une population disparate s’entassait en effet dans la petite pièce, les yeux baissés, ils semblaient absorbés par les images stupides de magazines écornés et attendaient dans un silence quasi religieux.

Un monsieur, tranchant par son élégance sur le reste de cette population, céda son fauteuil à Constance et à son bébé. Paul, après l’avoir remercié, sortit faire ses courses alimentaires et ne reparut qu’une demi-heure plus tard.

—Dis-moi Constance, j’ai l’impression que la situation s’est bien éclaircie !

—Oui, il n’y a plus que deux personnes avant moi. Je ne sais d’ailleurs pas trop ce que je vais lui dire à ce médecin, car je pense que le problème est réglé. C’est fini, je ne souffre pratiquement plus !

—Ma chérie, s’il te plaît, sois sérieuse un instant ! Tu expliqueras au médecin, ces douleurs qui durent depuis plusieurs semaines et tu lui diras qu’elles sont devenues plus importantes, depuis huit jours. Moi je pense que cette aggravation est liée à Claire, tu la portes beaucoup.

 Manifestement irritée, elle lui répondit.

—La petite c’est mon affaire et je ne veux pas qu’on en parle. D’ailleurs, si tu veux bien, tu attendras dans la salle d’attente avec elle.

—Comme tu voudras, mais puis-je te faire confiance ! Tu lui diras bien tout ?

—Je ne lui cacherai rien, sauf l’arrivée de Claire parmi nous.

La porte du cabinet s’ouvrit et le docteur Ducellier, encore vert malgré son âge et la fatigue de son travail, s’adressa au couple.

—Encore un peu de patience et je suis à vous. Ah, mais c’est vous, Paul ! Pardon, je ne vous avais pas reconnu.

Quinze minutes plus tard, Constance s’installait dans le cabinet d’examen.

—Paul n’entre pas avec vous ?

—Non, il reste dans la salle d’attente, pour garder le bébé.

—Alors chère madame, que vous arrive-t-il ? Je crois bien que je vous vois pour la première fois, vous êtes madame ?

—Constance Villeret, l’amie de Paul. Ce bébé que nous gardons, n’est pas le notre, c’est celui d’un couple d’amis.

—Très bien ! Et pour parler de ce qui vous amène, quel est votre problème médical ?

—Eh bien docteur, depuis deux mois environ, je suis gênée par des douleurs abdominales, des sortes de contractions, elles étaient, légères au début, mais elles se sont accentuées. Maintenant, elles sont devenues pratiquement permanentes et pour tout dire, elles commencent à m’inquiéter.

—Des douleurs abdominales, très bien, allongez-vous. Et rien d’autre ?

—Si docteur et je suis honteuse de vous le dire, mais j’ai des pertes. Du sang, mais assez peu.

—Ne soyez pas gênée, vous êtes une femme et faite comme toutes les femmes. Moi, mon métier, c’est de comprendre et de soulager quand je le peux !

—Détendez-vous. Voulez-vous remonter votre robe ? Parfait. Dites-moi si je vous fais mal.

—Un peu, mais ça va.

 —Oh, mais attendez une seconde, il me semble que… Je dois compléter l’examen par un toucher vaginal, ça ne sera pas douloureux, ne craignez rien.

—Un toucher vaginal, mais docteur…

—Oui, les touchers, j’en fais une dizaine par jour. Je sens nettement une masse à la palpation abdominale et il faut que j’en connaisse la nature. Un gros fibrome, peut-être ?

Constance essaya de se calmer, mais elle avait du mal à oublier qu’elle allait subir son premier examen gynécologique.

 La torture fût de courte durée, le médecin retira ses gants et lui annonça.

—Alors, vous êtes enceinte et vous ne me le disiez pas !